Devant la caserne Saint-Agne, la foule grouille. Il est 10 heures ! L’heure de la soupe. Le flot des réservistes allant déjeuner en famille s’écoule à pas pressés. Des femmes stationnent attendant qu’il leur soit permis d’entrer. Elles apportent des victuailles à leurs époux ou à leurs enfants sous les drapeaux. Brusquement, les ordres changent. On ne doit plus laisser sortir personne et un adjudant de l’active fait respecter un peu bruyamment cette nouvelle consigne.
Les réservistes qui se disposaient à aller manger en ville font contre mauvaise fortune bon cœur. Ils rebroussent chemin et se contre temps ne diminue en rien leur bonne humeur.
Puisque les amis que j’attends ne sortent pas, c’est moi qui pénètre dans la caserne. Je vais déjeuner avec eux.
Le spectacle est pittoresque ; la caserne semble une ruche bourdonnante. Ça et là, sur de rares brins d’herbe, de nombreux groupes de réservistes sont installés à l’ombre de quelques arbres. Des femmes partagent gaiement avec leur mari le déjeuner abondant qu’elles ont apporté. Partout on mange, on boit avec entrain. On plaisante et on rit. La joie déborde et tous ces hommes qui vont bientôt partir pour la guerre sont insouciants et heureux.
L.C.
(Midi-Socialiste – 9 août 1914)