La police a été informée hier matin seulement du fait suivant :
Au numéro 15 de la rue Saint-Roch habite le famille Dou, composée du père, puisatier, et de trois enfants : Berthe, l’aînée, âgée de 15 ans, qui s’occupe du ménage ; Henriette, âgée de 10 ans et Jean-Baptiste, âgé de 7 ans.
Mercredi à trois heures moins le quart, Berthe était sortie pour faire des commissions, et Henriette dans la maison, jouait avec son frère. A un moment donné, Henriette s’approcha du feu pour le rallumer et souffla sur le charbon. Une étincelle jaillit qui enflamma sa pélerine.
Effrayée, la fillette courut de chambre en chambre, saisissant la pélerine entre ses mains pour essayer d’éteindre les flammes ; mais ce fut en vain. Son jeune frère frappait aussi sur elle avec sa casquette, mais ses efforts ne réussirent pas davantage.
Alors, la malheureuse Henriette se roula par terre, en proie à des souffrances atroces. Le petit Jean-Baptiste s’empara d’un seau d’eau et en déversa le contenu sur sa sœur qui poussait des cris déchirants. Elle se releva, son frère la conduisit vivement à une bonne fontaine qui est à proximité.
Des voisins accoururent, prirent dans les bras la pauvre enfant et, le feu étant éteint, la rapportèrent chez elle évanouie.
M. Frachengue, pharmacien, allée Saint-Agne, fut prévenu. Il accourut en hâte et lui donna les premiers soins. Il voulut envoyer la fillette à l’hôpital, mais les membres de la famille présents s’y refusèrent, craignant de contrarier le père qui était absent.
Le visage de l’infortunée était méconnaissable. Les cheveux étaient complètement dévorés et des brûlures se voyaient aussi sur diverses parties du corps. La victime de cet affreux accident est morte jeudi matin, à sept heures et demie, après une agonie épouventable, qui arrachait des larmes à tous ceux qui en étaient témoins.
Détail navrant : l’an dernier, la mère de la petite Henriette, qui travaillait avec son mari à creuser un puit, fut surprise par un éboulement et tuée ; M. Dou fut sérieusement blessé.
Les obsèques d’Henriette ont eu lieu vendredi, à deux heures et demie, au milieu d’une affluence considérable. Toutes les élèves de l’école laïque de Saint-Agne ont accompagné jusqu’au cimetière de Terre-Cabade leur malheureuse compagne.
Ce fait a été porté à la connaissance de la police vendredi soir par des voisins qui en ont saisi M. Coutenceau, secrétaire du commissariat central.
M. Davasse, commissaire de police du 6° arrondissement, prévenu, à ouvert une enquète, qui a confirmé ce que nous venons de raconter.
(La Dépêche du Midi – 7 mars 1909)