Séance du 6 décembre
Président : M. le colonel Macrot, directeur du génie ; commissaire du gouvernement, M. le commandant Montrefet ; M° Gabaude est au banc de la défense.
Vol simple : François – Désiré Antoine, soldat au 126° de ligne, est né le 15 août 1887, à Graulhet (Tarn) ; il est poursuivi pour vol simple ; il lui est imputé de s’être approprié, le 6 septembre dernier, une somme de 75 francs 50 au préjudice d’un inconnu.
Loupiac, soldat du même régiment, constata ce jour-là, la disparition de son porte monnaie contenant 3 louis de 20 francs et 3 écus de 5 francs ; le porte monnaie fut trouvé en dehors de la Poudrerie, où Antoine et Loupiac étaient de service, par Antoine qui le reconnait, aussi est-il poursuivi pour vol simple. L’accusation ne relever contre lui le vol militaire, le vol ayant été commis en dehors des locaux militaires et au préjudice d’un inconnu qui aurait pu n’être pas militaire.
M. le commissaire du gouvernement fait ressortir combien l’accusation s’est fait un devoir de qualifier de vol simple l’acte relevé contre Antoine ; l’acte n’en reste pas moins grave, et les dénégations contradictoires du prévenu sont loin de plaider en sa faveur ; mais M. le commandant Montrefet ne veut pas oublier qu’Antoine a d’excellente note comme soldat, et que dans sa vie civile il n’y rien à lui reprocher ; aussi conclut-il a une condamnation.
M° Gabaude, après avoir reconnu la loyauté de l’instruction et de l’accusation, reprend les faits desquels, pour la défense, résulte un acte de trouvaille sans intention de vol chez l’inventeur. Les dépenses inconsidérées d’Antoine ont empêché la restitution, mais ne saurait modifier le caractère de l’intention lors de la main mise sur le porte monnaie ; et, dès lors, Antoine est en voie de relaxe, subsidiairement, M° Gabaude indique les excellents antécédents de son client ; il demande une large application des circonstances atténuantes, avec le bénéfice de la loi de sursis.
Le conseil de guerre, après délibéré, déclare Antoine à l’unanimité coupable de vol simple, et le condamne, par 4 voix contre 3, à trois mois de prison avec le bénéfice de la loi de sursis.
Désertion à l’intérieur en temps de paix, avec emport d’effets : Jean-Marie Armengol, né à Saint-Gaudens le 3 octobre 1884, soldat au 126°, en garnison à Toulouse, a disparu de la caserne le 1 septembre ; après une excursion en Espagne, Armengol rentra en France ; il fut pris à Narbonne le 6 octobre, pour avoir voyagé sans billet en chemin de fer ; dissimulant son nom, il ne fut identifié que le 11 octobre ; et, comme il n’a pu représenter une paire de souliers de repos, il est sur la sellette pour répondre du fait de désertion à l’intérieur en temps de paix, avec la circonstance aggravante d’emport d’effets.
Armengol reconnait la désertion mais nie l’emport d’effets, car il laissa, affirme-t-il, les souliers dans son paquetage.
Armengol à la monomanie des absences illégales ; la loi d’amnistie lava une absence de 25 jours commis en juin dernier ; et lorsqu’il est parti, le 1 septembre, il était sous le coup d’une punition disciplinaire de soixante jours, motivée par une absence de 5 jours et 10 heures.
M. le commissaire du gouvernement estime n’avoir pas à appuyer sur les faits qui sont patents, mais il rappelle les mauvais antécédents militaires d’Armengol et réclame de ses juges une punition qui lui soit une leçon ; il n’insiste pas sur l’emport d’effets, car les souliers non représentés peuvent bien avoir été laissés par lui et avoir été égarés.
M° Laurens à une tache lourde à remplir ; mais elle n’est pas au-dessus de ses forces ; habilement, il représente Armengol comme dominé par une jeune fille à laquelle il avait promis mariage ; son client s’absente et s’absente encore pour se rendre auprès de celle dont il s’est rendu l’esclave ; aussi, faisant fonds de ces condamnations, le jeune maître, s’autorisant en outre de l’excellent passé d’Armengol, n’hésite pas à réclamer du conseil de guerre une large application des circonstances atténuantes, avec la loi Béranger ; M° Laurens estime qu’il n’a pas à insister pour faire tomber la circonstance aggravante d’emport d’effets, n’ayant pour ainsi dire qu’à s’associer sur ce point aux conclusions de M. le commissaire du gouvernement.
Le conseil de guerre déclare à l’unanimité coupable de désertion à l’intérieur en temps de paix, écarte la circonstance aggravante, le condamne à deux ans de prison et, par 5 voix contre 2, lui accorde la loi de sursis.
(L’Express du Midi – 7 décembre 1906)